Face à l’augmentation de paroles transphobes dans les médias, l’AJL a décidé de lancer une étude pour pouvoir nommer, chiffrer et analyser ce phénomène. L’AJL souhaitait observer de près le traitement médiatique des transidentités dans les médias d’actualité en ligne. Notre veille a duré seize semaines, de fin août à fin novembre 2022, elle a porté sur 21 médias et 434 articles recensés. 

Il convient de louer la nette amélioration du traitement médiatique des transidentités, enfin perçues comme un sujet d’actualité à part entière. De plus en plus de médias appliquent les recommandations de notre kit pour un traitement plus juste et respectueux des personnes LGBTI, y compris des personnes trans. Les deadnames (ou morinoms) sont moins employés, les personnes trans sont davantage interviewées, notamment pour aborder autre chose que leur transidentité, ce qui représente un indéniable progrès. 

Ces progrès sont néanmoins fragiles et reposent souvent sur certains médias, voire certaines bonnes volontés individuelles. La qualité des articles sur le sujet semble donc dépendre des compétences de certain·e·s journalistes plutôt que d’une réelle prise en charge et impulsion collective au sein des médias.  

Le traitement des transidentités diffère par ailleurs énormément en fonction des rédactions, y compris au sein d’un même média, où coexistent parfois deux lignes éditoriales opposées. 

L’AJL observe, en outre, une certaine frilosité, pour ne pas dire une certaine paresse dans le traitement des transidentités sur le territoire français. De nombreux médias privilégient ainsi l’évocation des transidentités quand elles sont à l’étranger, continuant à nourrir un cliché déjà bien ancré quant à leur exotisation, et abordent ces thématiques à reculons lorsqu’il s’agit de sujets en France. Cette paresse intellectuelle s’illustre, en outre, par les formats privilégiés par certains médias, qui traitent majoritairement des transidentités à travers des tribunes ou des adaptations de dépêches AFP, plutôt que des reportages ou enquêtes fouillées.

Même si elles sont davantage mentionnées, les personnes concernées restent largement invisibilisées, et ce au profit de personnes tenant, à l’opposé, des discours transphobes. Certains médias s’en sont d’ailleurs fait une spécialité, en mettant en avant les tribunes et positions de personnalités telles que Dora Moutot, Marguerite Stern, ou des membres de l’Observatoire de la petite sirène. À ce sujet, l’AJL tient à rappeler la responsabilité des médias dans la diffusion des positions transphobes, via des publications souvent non contextualisées et non sourcées. Nous pensons par exemple au Figaro ou à Marianne qui, de par leur traitement obsessionnel, alarmiste et peu rigoureux de ces questions, participent largement à la création de « paniques morales » autour des transidentités. Celles-ci ont des conséquences directes sur la vie des personnes trans. Le rapport sur les LGBTIphobies 2022 de l’association SOS homophobie précise : « En 2021, la transphobie […] a été le seul type de LGBTIphobie pour lequel SOS homophobie a relevé plus de témoignages comparé à 2020. Avec 179 situations de violences signalées, la transphobie touche davantage de victimes mineures (16 % des cas), particulièrement vulnérables ». L’AJL appelle donc à plus de sérieux journalistique dans le traitement des transidentités, comme cela serait le cas pour n’importe quel autre sujet.